08/05/2017

Pierson-Meunier & Cie



On était en 1963.
Lorsqu'en début d'année j'ai été libéré de mes obligations militaires, je me suis retrouvé seul et sans un centime devant moi. Comme convenu avec la direction de La Cellophane, j'ai intégré le siège parisien de la société en qualité de dessinateur maquettiste. 

Si le travail et l'ambiance me plaisaient, mon salaire, bien qu'ayant été passablement augmenté, ne me permettait pas de joindre les deux bouts. Je devais rapidement trouver un autre emploi plus rémunérateur. 
J'ai alors failli devenir vendeur d'appareils électroménagers. Après avoir suivi un stage intensif au cours duquel un animateur très expérimenté m'avait enseigné l'art et la manière de convaincre une clientèle récalcitrante, on m'avait découvert des dispositions innées pour la vente. 
- Vous pourriez fourguer n'importe quoi à n'importe qui, m'avait-on affirmé. 
Mais je n'ai pas donné suite, ne me voyant pas faire du porte à porte pour vendre des aspirateurs.
J'ai donc cherché ailleurs.
C'est ainsi qu'au mois de juillet 1963, j'avais alors tout juste vingt-deux ans, je me suis fait engager, avec le titre ronflant d'inspecteur des ventes et un salaire multiplié par deux, par des agents de fabriques, Pierson-Meunier & Cie, qui fournissaient l'indispensable et le superflu de la consommation des populations d'Afrique noire francophone. En particulier le lait concentré "Bonnet Rouge", marque hollandaise renommée sur le marché africain et considérée à l'époque comme indélogeable, même par Nestlé.


Quelques semaines plus tôt, après avoir répondu sans trop y croire à une offre d’emploi relevée dans le Figaro,...


... j’avais reçu un courrier signé Camphuis m’invitant à le rencontrer pour un entretien d’embauche. Les bureaux de Pierson-Meunier étaient situés à Paris, au premier étage d’un immeuble cossu du 8ème arrondissement, au numéro 10 de la rue Cambacérès, à deux pas du Ministère de la Défense.




Grand gaillard à la quarantaine bien conservée et très élégant dans son costume trois-pièces-prince-de-galles, le dénommé Camphuis avait un accent à couper au couteau. Originaire des Pays-Bas, il était le neveu de Hendrik Pierson, directeur général et fondateur de la maison Pierson-Meunier & Cie.
J’avais été engagé pour renforcer un duo de voyageurs, Georges Delchambre et Philippe Vallois, tous deux bien plus âgés que moi. 
Assez réduite, l’équipe de Pierson-Meunier se composait des susnommés Camphuis et Pierson. Ce dernier partageait son bureau avec sa secrétaire, une franco-hollandaise portant le curieux nom de Mouillefarine. 
Dans une grande pièce voisine, se trouvaient les bureaux des globe-trotters et des deux secrétaires chargées de traiter leurs rapports de voyages, Geneviève Rouchaud, épouse d’un garde républicain encaserné dans la rue de Penthièvre voisine, et une Indonésienne timide que l’on appelait miss Pongo. Il y avait encore la comptable, madame Bordes, une snobinarde au physique de Castafiore. 
Sans oublier Michelle Pluss qui s’occupait du courrier, du classement, du télex, et répondait au téléphone. Une jeune et jolie brunette assez délurée qui ressemblait très fort à Diana Rigg, l’interprète du rôle d’Emma Peel de la série télévisée "Chapeau melon et bottes de cuir". 



Après être resté jusqu’à la fin de l’année à faire connaissance avec les produits représentés par Pierson-Meunier & Cie et avec les différents acheteurs parisiens de la SCOA, de la CFAO, de la Compagnie du Niger Français, de la SHO, Congo-Amérique, Gratry, Glory-Lacour, Sapac, Hollando, Monoprix, Pignol & Bidault, la Compagnie Soudanaise et autre SGGG, il me tardait de partir en Afrique. 

Enfin, le 5 janvier 1964, je m’envolais du Bourget...


... à destination du Tchad pour une tournée de trois mois, passant par Fort-Lamy (ainsi que se nommait alors la capitale du Tchad), Bangui, Douala, Yaoundé, Victoria, Fernando-Pô, Libreville, Bitam, Oyem, Port-Gentil, Moanda, Franceville, Pointe-Noire, Dolisie et Brazzaville. 
Ce premier voyage fut pour moi une révélation.
Mon travail ayant été apprécié, je ne tardai pas à passer au statut de cadre. J'avais vingt-trois ans.



 Par la suite mes tournées en ex.AEF se succèderont, et en mars 1965 j’effectuerai ma première visite de la clientèle d’Afrique occidentale à Nouakchott et Port-Etienne, Dakar, Abidjan, Lomé, Cotonou, Niamey et Ouagadougou, puis de la clientèle de Madagascar, la Réunion et l’île Maurice. 










Source : deces.politologue.com